15 août 44. Jour J de l’opération « Anvil-Dragoon », premières heures du débarquement de Provence, un débarquement qui va durer plusieurs jours. Dès le 18, le général de Lattre de Tassigny attaque Toulon, où les opérations militaires évoluent rapidement. De Lattre décide de profiter de cet avantage et, sans attendre, lance ses troupes sur Marseille. Il s’agit autant de libérer la cité phocéenne que d’empêcher la marche de renforts allemands sur Toulon. Manœuvres d’encerclement et, en parallèle, entrée directe sur le centre de la ville, telle est la stratégie adoptée. Mais il va falloir aussi faire sauter le verrou d’Aubagne...
Le 19 août, à Cuges, on sait que l’heure de la Libération est proche. Les autorités ont conseillé aux habitants de se mettre à l’abri... Au soir du 19 août, résonne au village le bruit d’un combat qui approche : un régiment de reconnaissance, les Spahis Algériens du colonel Bonjour, vient de s’emparer du carrefour du Camp. Il va bientôt se diriger vers le Beausset.
Le 20 août 44 au petit matin, une autre unité de reconnaissance progresse vers le Camp. Il s’agit cette fois-ci d’un peloton du 2ème régiment de Spahis Algériens du colonel Lecoq, dirigé par le capitaine Baudouin. Au Camp, les camions allemands sont en flammes, les munitions explosent. Le bruit des détonations parvient jusqu’à Cuges où de nombreux habitants se réfugient dans les caves, tandis que d’autres ferment leurs volets.
Pendant ce temps-là, virage après virage, le peloton de reconnaissance des Spahis du capitaine Baudouin avance par bonds successifs vers le village. L’automitrailleuse de tête du maréchal des logis Montés arrive en vue des premières maisons. L’aspirant Heissat récupère les voltigeurs du char-obusier et leur demande d’avancer de part et d’autre de la route. « Reims » (la jeep de l’aspirant Heissat), la Revenante, la Resplendissante et la Résistante (les trois automitrailleuses du peloton) arrivent aux abords du village. Quelques échanges de tirs ont lieu, mais l’affrontement ne dure pas.
Les Allemands qui avaient investi la maison du maire, située juste à l’entrée de Cuges, tentent de s’enfuir par la colline. Entretemps, les voltigeurs qui ont contourné le village en passant par la plaine sont arrivés en haut de la rue Victor Hugo. Nouveaux coups de feu. Sur la place, un soldat allemand est blessé. Les automitrailleuses entrent dans le village... Cuges est libéré.
Mais tandis que les uns sortent de leurs abris, tandis que d’autres informent et dirigent les Spahis, un « homme en short, disparu rapidement » tire à bout portant sur le maire et le tue, volant la vie d’un homme et du même coup la sérénité d’une communauté qui ne tarde pas à se laisser aller à la peur.
Le peloton du capitaine Baudouin se dirige à présent vers Gémenos. Guidé par les villageois, il s’apprête à attaquer le blockhaus qui contrôle les virages de la nationale 8, après le col de l’Ange. Il lui faut cependant rebrousser chemin, car il reçoit l’ordre de se rendre à Bandol pour couper la route de la côte entre Toulon et Marseille. Il doit être relevé par l’escadron du capitaine André du 3ème régiment des Chasseurs d’Afrique (3ème RCA). En retournant vers le Camp, le peloton Baudouin croise les colonnes des Tabors marocains qui ont quant à elles reçu ordre de marcher sur Marseille. Dans le même temps, le 2ème régiment de cuirassiers du lieutenant-colonel Durosoy fait mouvement sur Signes et sur le Camp. Le 21 août, après avoir traversé Cuges, il est aux portes d’Aubagne, prêt à livrer un combat dont il ne soupçonne pas encore la violence : le nombre de soldats tués au cours de la bataille d’Aubagne sera si important que les cimetières de la ville ne suffiront pas. Pour enterrer tous ces morts, les autorités devront faire appel aux communes avoisinantes, y compris à Cuges.